Il y a près de dix ans (déjà !), les enjeux climatiques étaient relégués aux pages "Sciences" des journaux. Aujourd'hui, ils font les gros titres. Comment cette transformation s'est-elle opérée ? Retour sur l'aventure du Climate Bootcamp, une formation qui a touché près de 300 journalistes français.
Le déclic : quand j'ai découvert la Fresque du Climat
Tout a commencé en 2012 quand Cédric Ringenbach est venu à BFM TV me présenter son outil pédagogique : la Fresque du Climat. À l'époque, j'étais présentatrice météo et je me passionnais déjà pour les mécanismes atmosphériques grâce à François Bourron, l'ingénieur qui m'avait tout appris.
Quand Cédric m'a expliqué son jeu de cartes au téléphone, je n'ai pas tout saisi. Mais quand il me l'a présenté en personne, "façon frise", j'ai eu le déclic. J'ai été la première journaliste à "fresquer". Cette expérience m'a ouvert les yeux sur l'urgence de former mes confrères qui naviguaient à vue sur ces sujets cruciaux.
La naissance du Climate Bootcamp : un pari audacieux
En 2015, avec Cédric, nous avons lancé le Climate Bootcamp. Le concept ? Une formation intensive de trois jours pour journalistes, éditeurs, rédacteurs en chef et patrons de chaînes sur les enjeux climatiques. Un pari audacieux à l'époque où ces sujets n'intéressaient pas grand monde.
Nous avons choisi La Bourboule, ma ville d'origine en Auvergne, pour ancrer cette formation loin de l'agitation parisienne. Le cadre montagnard favorisait cette approche incarnée de l'écologie que je défends depuis toujours. Et c'est là que nous avons utilisé la Fresque du Climat de manière officielle pour la première fois sur des journalistes.
Cinq années intenses : de la COP21 à la généralisation
De 2015 à 2023, nous avons organisé cinq éditions du Climate Bootcamp. Nous avons eu la chance de former quasiment 300 journalistes représentant toutes les grandes rédactions françaises. L'objectif était simple : donner les clés de compréhension pour éviter les approximations et les raccourcis.
La méthode fonctionnait bien. Les participants repartaient avec une vision plus claire des enjeux climatiques. Ils comprenaient enfin la différence entre météo et climat, savaient décrypter un rapport du GIEC, et évitaient de tomber dans les pièges des climatosceptiques.
Progressivement, nous avons vu les mentalités évoluer dans les rédactions. Avec Cédric, nous avons contribué à faire rentrer ces sujets dans les rédactions. Aujourd'hui, la Fresque du Climat s'est répandue partout : écoles de commerce, administrations, entreprises, même le ministère de la Défense !
Une formation qui a participé à l'évolution du journalisme environnemental
Notre approche mêlait rigueur scientifique et pédagogie incarnée. Nous invitions climatologues, écologues et spécialistes de l'énergie. Mais surtout, nous sortions du cadre théorique pour aller sur le terrain, visiter des fermes, des installations renouvelables, comprendre les réalités territoriales.
Cette formation intensive permettait aux journalistes de développer une expertise plus solide. Les participants repartaient mieux outillés pour traiter ces enjeux. L'impact a été encourageant : dans les médias participants, le nombre d'articles climat a augmenté significativement. La qualité du traitement journalistique s'est améliorée. Plusieurs rédactions ont créé des rubriques dédiées.
Un cycle qui se termine naturellement
En 2023, nous avons pris la décision d'arrêter les éditions du Climate Bootcamp. Notre objectif initial était largement atteint : les journalistes français disposent désormais de bien meilleures bases pour traiter les enjeux climatiques.
La Fresque du Climat s'est généralisée, les formations se sont multipliées, et même les grands médias ont intégré ces compétences. Aujourd'hui, beaucoup ont fresqué. Il fallait donc réfléchir à de nouveaux formats pour continuer à être utiles.
Les leçons d'une belle aventure humaine
Cette expérience m'a confortée dans ma vocation pédagogique. Transmettre les clés de compréhension des enjeux environnementaux reste au cœur de mon engagement. C'est pourquoi je continue aujourd'hui à animer des débats et des formations, notamment à travers la fondation Landestini que j'ai créée avec mon mari.
Le Climate Bootcamp m'a aussi appris l'importance du timing et du collectif. Notre collaboration avec Cédric a créé une belle synergie. Nos compétences complémentaires ont permis de proposer quelque chose d'utile pour la formation journalistique sur le climat.
L'héritage continue
Aujourd'hui, quand j'entends un journaliste expliquer correctement les mécanismes climatiques ou décrypter avec pertinence un rapport scientifique, je me dis que nous avons peut-être contribué, à notre échelle, à faire évoluer les choses.
Si le Climate Bootcamp s'est arrêté, l'esprit perdure. Les enjeux de formation évoluent, les besoins se précisent. L'aventure continue sur le terrain, au plus près des réalités et des solutions. Parce que l'écologie, ça s'apprend, ça se transmet, ça se vit.