« Mais comment vous pouvez parler d'agriculture sans avoir jamais planté une graine ? » Cette question, lancée par un éleveur lors d'une de mes premières animations de débats en 2018, m'a fait l'effet d'une claque. Elle résumait parfaitement le malaise que je ressentais depuis des mois : comment défendre l'écologie depuis un plateau télé sans jamais me salir les mains ?
Six ans après avoir quitté Paris pour l'Auvergne, je mesure à quel point cette transition vers « l'écologie incarnée » a transformé ma pratique professionnelle. De journaliste environnementale à modératrice de débats respectée, voici comment le terrain m'a donné une légitimité que mes diplômes n'auraient jamais pu m'apporter.
Le syndrome de l'imposture : quand la théorie ne suffit plus
Ma prise de conscience brutale
En 2018, j'étais au sommet de ma carrière télévisuelle. Présentatrice de Thalassa, animatrice d'Enterferme sur Ushuaïa TV... Sur le papier, tout roulait. Mais à l'intérieur, le doute grandissait.
Le déclic ? Cette intervention désastreuse lors d'un débat sur l'agriculture durable. Face à un panel d'agriculteurs bio, j'ai sorti mes statistiques apprises par cœur, mes références d'études... et j'ai senti le regard sceptique de ces hommes et femmes qui vivaient concrètement les enjeux dont je parlais.
L'un d'eux m'a dit cash : "Madame, vous nous expliquez la rotation des cultures, mais avez-vous déjà vu pousser un radis ?"
J'avais honte. Là, sur scène, devant 200 personnes. Cette honte salvatrice qui allait changer ma vie.
Les signaux d'alarme s'accumulaient
Rétrospectivement, les indices étaient partout :
- Mes interviews sonnaient creux : je posais les bonnes questions mais sans l'empathie que donne l'expérience
- Les experts me testaient : certains scientifiques me demandaient des précisions que je n'avais pas
- Mon stress augmentait : peur d'être démasquée, de dire une bêtise technique
- Ma santé se dégradait : allergies nouvelles, perte de cheveux... mon corps rejetait cette dissonance
L'exil salvateur : de Paris à la Haute-Loire
Le grand saut dans l'inconnu
Le choix de quitter Paris n'était pas romantique. C'était une nécessité professionnelle déguisée en choix de vie. Comment continuer à interviewer Jacques Marcon sur l'agriculture raisonnée quand on fait ses courses chez Monoprix ?
L'installation en Haute-Loire relevait du calcul stratégique :
- Proximité de Paris (TGV depuis Saint-Étienne) pour garder mes contrats
- Territoire rural authentique pour comprendre les enjeux agricoles
- Coût de la vie permettant d'investir dans un vrai projet de terrain
Les réactions de mon entourage professionnel ? Catastrophiques !
- "Tu te suicides médiatiquement" (un producteur TF1)
- "Dans 2 ans, plus personne ne te connaîtra" (un collègue journaliste)
- "L'écologie, c'est bien, mais de là à aller vivre avec les biques..." (un ami parisien)
L'apprentissage sur le terrain : mes premières leçons d'humilité
2019-2020 : L'année des catastrophes assumées
Ma première saison de jardinage fut... un désastre pédagogique formidable :
- Tomates décimées par le mildiou (je ne connaissais même pas ce terme)
- Courgettes envahies de pucerons (j'ai découvert l'existence de la faune auxiliaire)
- Échec total sur les haricots verts (mauvaise exposition, mauvais timing)
Résultat : 20% de réussite la première année. Mais 100% d'enseignements !
La transformation : quand l'expérience change tout
2021-2022 : L'expertise qui se construit
Après deux ans d'erreurs et d'apprentissage intensif, ma compréhension des enjeux agricoles s'est approfondie de manière spectaculaire :
Je découvrais la réalité des contraintes climatiques
- Comprendre concrètement ce que représente une sécheresse pour un producteur
- Vivre l'angoisse des gelées tardives sur mes semis
- Expérimenter l'impact des variations météo sur les rendements
J'apprenais le coût réel de la production
- Calculer le prix de revient d'un kilo de tomates (incluant temps, graines, amendements)
- Mesurer l'impact économique d'une récolte ratée
- Comprendre pourquoi un légume bio coûte plus cher
Je découvrais les techniques ancestrales et modernes
- Lacto-fermentation pour la conservation
- Compostage et amendements organiques
- Associations de cultures et rotations
L'expertise reconnue par les pairs
2023 : Le tournant professionnel
Trois ans après mon installation, ma pratique journalistique avait totalement évolué. Les preuves ?
Mes questions avaient changé. Lors du Sommet de l'Élevage 2023, au lieu de demander "Comment voyez-vous l'évolution de l'agriculture bio ?", je demandais : "Concrètement, combien d'années faut-il pour qu'une prairie retrouve sa biodiversité après conversion ?"
Les agriculteurs me parlaient différemment. Ils sentaient que je comprenais leurs contraintes. Nos échanges devenaient des conversations de professionnels, pas des interviews journaliste/expert.
Les organisateurs me faisaient plus confiance. On me proposait d'animer des débats techniques que j'aurais refusés 5 ans plus tôt par manque de légitimité.
Le game-changer : mes nouvelles armes professionnelles
Une crédibilité béton face aux experts
Exemple concret : Animation du débat "Agriculture et changement climatique" (2024)
Quand un expert du GIEC explique l'impact des sécheresses sur les rendements, je peux rebondir : "Effectivement, j'ai perdu 40% de ma production de haricots l'été dernier. Concrètement, quelles variétés résistantes recommandez-vous aux producteurs de la région ?"
Cette simple phrase change tout :
- ✅ L'expert voit que je maîtrise le sujet
- ✅ Le public agricole se sent compris
- ✅ Le débat s'enrichit de perspectives concrètes
- ✅ Ma légitimité est établie d'emblée
Des interviews plus profondes
Avant mon expérience terrain :"Monsieur Dupont, pouvez-vous nous expliquer les difficultés de l'agriculture bio ?"
Aujourd'hui :"Monsieur Dupont, vous avez converti 20 hectares en bio. Comme j'ai vécu les défis du passage sans pesticides sur mes 500m², j'imagine que la transition a dû être complexe au niveau économique. Comment avez-vous géré les premières années de baisse de rendement ?"
Résultat : Des réponses 10 fois plus précises et authentiques.
Une empathie professionnelle nouvelle
Animer un débat sur les difficultés agricoles quand on a soi-même vécu :
- L'angoisse d'une récolte compromise
- La fatigue physique du travail de la terre
- La fierté d'un légume parfaitement mûri
- La frustration face aux aléas météorologiques
Cette empathie n'est pas de la compassion intellectuelle. C'est une compréhension viscérale qui transparaît dans chaque question, chaque relance, chaque synthèse.
L'impact sur ma carrière : les preuves chiffrées
Évolution de mes contrats (2019-2024)
2019 : 12 animations/débats dans l'année2024 : 35 animations/débats + 15 conférences
Tarification :
- Avant : 2 500€/jour d'animation
- Aujourd'hui : 4 500€/jour (hausse de 80%)
Nouvelles opportunités professionnelles
Clients qui me font confiance aujourd'hui :
- Sommet de l'Élevage (depuis 3 ans)
- Rencontres Nationales de l'Habitat
- Salons agricoles régionaux
- Conférences d'entreprises sur la RSE agricole
Types de débats qu'on me propose maintenant :
- Tables rondes techniques sur l'agroécologie
- Débats contradictoires élevage/environnement
- Modération de conflits entre filières
- Animation de groupes de travail sur les transitions
Reconnaissance par les professionnels
Témoignage reçu en 2024 de la part de Bruno Dufayet, président du Sommet de l'Élevage :"Fanny a cette rare capacité à faire parler autant les éleveurs traditionnels que les défenseurs de l'environnement. Elle comprend les deux mondes parce qu'elle les vit."
Les leçons pour mes confrères journalistes
L'écologie incarnée vs l'écologie de bureau
Le piège de la spécialisation théorique :
- Multiplier les formations sans jamais pratiquer
- Accumuler les sources d'experts sans expérience personnelle
- Parler des enjeux environnementaux depuis Paris sans connaître la campagne
Ma méthode pour une crédibilité durable :
- Choisir un domaine et le vivre concrètement (pas forcément l'agriculture)
- Accepter d'être nul au début et l'assumer publiquement
- Documenter son apprentissage et partager ses échecs
- Créer du lien avec les professionnels du secteur
- Utiliser son expérience comme base de questionnement journalistique
Les Climate Bootcamps : transmettre cette approche
Avec Cédric Ringenbach, nous avons formé près de 300 journalistes via nos Climate Bootcamps entre 2015 et 2023. Notre constat : les journalistes les plus impactants sont ceux qui ont une expérience concrete des sujets qu'ils traitent.
Cette expérience m'a d'ailleurs amenée à développer des formations spécialisées pour futurs facilitateurs de débats environnementaux, alliant expertise terrain et techniques d'animation avancées.
Notre recommandation pour les rédactions :
- Financer des "immersions terrain" pour les journalistes spécialisés
- Créer des partenariats avec des exploitations, des laboratoires de recherche
- Encourager les projets personnels liés aux sujets traités
L'écologie incarnée : un modèle professionnel d'avenir
Au-delà du journalisme environnemental
Cette approche de légitimité par l'expérience dépasse le cadre de l'écologie. Elle s'applique à tous les sujets complexes :
- Journalisme économique : avoir créé une entreprise ou géré un budget
- Journalisme social : avoir vécu des situations précaires ou managé des équipes
- Journalisme santé : comprendre le système de soins de l'intérieur
Les défis à surmonter
L'objection temps/argent : "Je n'ai pas les moyens de déménager comme vous"→ Réponse : Commencer petit (bénévolat, stages courts, projets week-end)
L'objection carrière : "Ça va nuire à ma visibilité médiatique"→ Réponse : Ma visibilité a augmenté grâce à cette différenciation
L'objection expertise : "On n'est pas là pour devenir expert mais pour questionner"→ Réponse : Mieux questionner nécessite de comprendre les bases du sujet
Mon bilan 6 ans après : au-delà de mes espérances
Ce que j'ai gagné professionnellement
Une expertise reconnue qui me permet de :
- Animer les débats les plus techniques sans stress
- Poser les questions que les professionnels n'osent pas se poser
- Créer du lien entre des mondes qui ne se comprennent plus
- Être respectée autant par les agriculteurs que par les écologistes
Une différenciation claire sur le marché :
- Mes concurrents font de l'écologie "plateau TV"
- Moi, je fais de l'écologie "terrain"
- Cette singularité me rend incontournable sur certains sujets
Un réseau professionnel solide :
- Agriculteurs qui me font confiance pour modérer leurs conflits
- Organisateurs qui savent que je maîtrise mes sujets
- Experts qui acceptent d'être challengés par mes questions
Ce que ça a changé pour mes enfants
Darwin (5 ans) me demande maintenant : "Maman, tu vas parler de quoi à la télé ?" Et quand je lui explique, il comprend parce qu'il vit les sujets dont je parle.
Corto (2 ans) connaît la différence entre une courgette et un potiron. Détail ? Non, connexion au réel que peu d'enfants urbains ont aujourd'hui.
L'effet boule de neige imprévu
Cette crédibilité terrain irrigue tous mes autres sujets. Quand j'anime un débat sur l'énergie, ma légitimité écologique me donne une autorité naturelle. Les participants savent que je ne fais pas semblant - comme en témoignent mes références d'animation pour entreprises et institutions.
Vers une généralisation du modèle ?
Les signaux encourageants
Dans les rédactions, je vois poindre une prise de conscience :
- Envoi de journalistes en immersion longue sur leurs sujets
- Création de rubriques "journaliste-témoin"
- Valorisation de l'expertise pratique en complément des diplômes
Dans les écoles de journalisme, émergence de cursus :
- "Journalisme immersif"
- Stages obligatoires en entreprises du secteur traité
- Projets personnels comme validation de compétences
Ma proposition pour l'avenir
Créer un label "Journaliste Expert-Praticien" qui certifie :
- Une expérience pratique minimum (6 mois) dans le domaine traité
- Une formation continue par la pratique
- Une évaluation par les professionnels du secteur
Cette certification redonnerait confiance au public dans l'expertise journalistique.
Conclusion : l'authenticité comme arme de légitimité massive
Six ans après avoir quitté mes plateaux parisiens pour mes chèvres auvergnates, le bilan est sans appel : l'écologie incarnée a révolutionné ma crédibilité professionnelle.
Aujourd'hui, quand je modère un débat sur les enjeux agricoles, je ne suis plus la journaliste qui pose des questions apprises. Je suis celle qui a vécu les réponses dans sa chair.
Cette légitimité terrain fait de moi une animatrice différente, plus juste, plus efficace. Elle me permet de créer du lien là où d'autres creusent des fossés. De poser les vraies questions là où d'autres récitent des éléments de langage.
Le message que j'aimerais faire passer à mes confrères : l'avenir du journalisme spécialisé passe par l'incarnation des sujets qu'on traite. Non par militantisme, mais par exigence professionnelle.
Parce qu'au final, comment peut-on prétendre informer le public sur des enjeux qu'on ne comprend que par ouï-dire ?
Vous organisez un débat environnemental et cherchez une animatrice qui maîtrise son sujet autant en théorie qu'en pratique ? [Découvrez mes références et services d'animation et parlons de votre projet ! Pour ceux qui souhaitent développer ces compétences, découvrez mon programme détaillé de formation facilitateur débat environnemental avec témoignages de réussite et débouchés concrets.
Sources et références :
- La Fresque du Climat - Formations journalistes
- Restaurant Jacques Marcon - Philosophie culinaire
- Lacto-fermentation - Bénéfices nutritionnels
- ANAH - Rencontres Nationales Habitat
- Mots-clés : journalisme environnemental, crédibilité terrain, animation débats, écologie incarnée, expertise professionnelle
